"La sécurité alimentaire est un bien commun et ne doit pas être instrumentalisée à des fins politiques" [en]

INTERVENTION DE MME CATHERINE COLONNA

MINISTRE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

DIALOGUE MINISTÉRIEL MÉDITERRANÉEN SUR LA CRISE ALIMENTAIRE

Rome, 8 juin 2022
(Message vidéo)

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,

Alors que la situation était déjà alarmante, avec plus de 800 millions de personnes en insécurité alimentaire dans le monde, le risque d’une crise alimentaire mondiale est aujourd’hui amplifié par la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.

La situation est particulièrement préoccupante pour les pays de la Méditerranée, dont plusieurs dépendent en grande partie des exportations agricoles ukrainiennes et russes. En Egypte, au Liban, au Maroc, en Tunisie, ainsi que dans les Territoires palestiniens notamment, les populations sont de plus en plus exposées aux conséquences alimentaires du conflit.

Face à cette situation, je salue l’initiative de l’Italie d’organiser ce dialogue entre les pays de la région pour que nous puissions répondre collectivement aux besoins immédiats, mais aussi pour bâtir à plus long terme des systèmes alimentaires plus durables et résilients.

La guerre que mène la Russie en Ukraine a un coût humain effroyable et nous la condamnons très fermement. Elle met aussi en danger les prochaines récoltes et rend extrêmement difficiles d’accès les voies maritimes pour l’exportation des céréales ukrainiennes.

Face à cela, nous devons affirmer clairement notre position : nous devons faire preuve de solidarité, et faire jouer à plein le multilatéralisme et la transparence sur les marchés agricoles, en refusant l’action de ceux qui veulent déployer une « diplomatie du blé ». La sécurité alimentaire est un bien commun et elle ne doit pas être instrumentalisée à des fins politiques. Les pays membres de l’Union européenne ont pris un nombre important de sanctions contre la Russie mais, je tiens à le rappeler, contrairement à ce qu’affirme la Russie, ce ne sont pas les sanctions qui sont responsables des risques de crise alimentaire. C’est bien la guerre de la Russie en Ukraine - et elle seule - qui met en péril toute la sécurité alimentaire.

L’an dernier déjà, la présidence italienne du G20 – dont je tiens à saluer ici l’engagement – s’était fortement mobilisée sur ces enjeux et obtenu l’adoption d’une ambitieuse déclaration ministérielle de Matera sur les systèmes alimentaires durables.

Depuis l’invasion russe en Ukraine et la flambée des cours agricoles qui a suivi, la communauté internationale a pris de nouvelles initiatives pour apporter une réponse collective de solidarité alimentaire : je pense notamment au Groupe de réponse aux crises des Nations unies et à l’Alliance globale initiée par la Présidence allemande du G7.

Quant à l’Union européenne, sous présidence française, elle s’est aussi rapidement mobilisée avec l’initiative « Food and Agriculture Resilience Mission », c’est-à-dire l’initiative FARM, endossée par le Conseil européen en mars dernier.

FARM vise à répondre à la crise alimentaire par des propositions concrètes, élaborées avec nos partenaires internationaux, notamment l’OMC, le PAM et le FIDA et organisées selon trois piliers :
-  le commerce, pour préserver la fluidité des échanges mondiaux de produits agricoles essentiels en évitant les mesures restrictives aux exportations et assurer la transparence sur les marchés – j’appelle à ce sujet l’ensemble des membres du G20 à jouer le jeu au sein du dispositif AMIS, pour disposer d’une vision claire des flux et des stocks disponibles ;
-  la solidarité, pour nous assurer que, même au plus fort de la crise, les pays vulnérables et dépendants des importations de céréales pourront faire face à leurs besoins, à des prix raisonnables. Nous devons travailler avec le PAM pour établir les mécanismes nécessaires en vue d’assurer les approvisionnements humanitaires à des prix raisonnables, en lien avec le secteur privé ;
-  la production durable, car la situation actuelle nous rappelle le besoin urgent d’une transition vers des systèmes alimentaires durables et résilients. Le FIDA doit jouer sur cet axe un rôle majeur avec l’ensemble des bailleurs, dans la continuité des grandes initiatives déjà lancées avec le continent africain destinées à soutenir la production locale. Je pense notamment au projet de Grande muraille verte.

Bien sûr, n’oublions pas l’appui nécessaire au secteur agricole de l’Ukraine, qui implique à la fois d’apporter tous les intrants nécessaires au pays (carburant, semences, engrais) pour les campagnes agricoles à venir mais aussi d’aider le pays à exporter sa production. C’est en effet aujourd’hui l’urgence qui s’impose à nous. Nous devons explorer toutes les options possibles, aussi difficiles soient-elles, pour permettre l’exportation des céréales hors d’Ukraine : maritime, terrestre, ferroviaire, fluviale. Aucun effort ne doit être ménagé en la matière. C’est cette philosophie qui sous-tend l’idée de « corridors de solidarité » proposée par la Commission européenne, et qui est également au cœur des discussions récentes, au plus haut niveau, en lien avec les Nations unies, pour que l’exportation des céréales par la Mer Noire puisse reprendre.

C’est dans ce contexte difficile que s’inscrivent les échanges d’aujourd’hui et je ne doute pas qu’ils permettront de progresser encore davantage pour préserver la sécurité alimentaire et la nutrition de notre région commune, la Méditerranée.

Je vous remercie

Dernière modification : 01/07/2022

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